Au Liban, des formations pour un métier… et pour vivre ensemble

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Liban
Au Liban,
des formations pour un métier…
et pour vivre ensemble
+ de 30
projets soutenus au Liban depuis les années 2000
1,1
milliard d'euros engagés sur la même période
8
ONG soutenues par l'AFD en réponse à la crise syrienne
Tous les soirs, dans une école technique de la banlieue nord de Beyrouth, des formations professionnelles sont dispensées à des Libanais et à des réfugiés syriens. Ou comment apprendre un métier en apprenant à connaître l'autre.

Depuis le début de la guerre en Syrie, le Liban et ses quatre millions d’habitants accueillent environ un million et demi de réfugiés syriens. Ces déplacés habitent pour la plupart les régions les plus pauvres du pays et ont été reçus à bras ouverts au début du conflit, au printemps 2011. Mais leur présence pèse désormais sur les communautés hôtes, inquiètes de leur propre accès à l’emploi et aux services de base. 

Avec le gouvernement libanais, la communauté internationale a instauré un plan d’action pour soutenir aussi bien les réfugiés que les communautés hôtes. Dans ce cadre, l’AFD agit pour réduire les fragilités et accompagner le Liban vers un développement plus équilibré et durable. Nous avons ainsi financé plus de 30 projets au Liban depuis le début des années 2000.

Un projet mis en place par l’Institut européen de coopération et de développement (IECD) et son partenaire libanais Semeurs d’avenir (SDA), dont le coût de cinq millions d’euros est financé par l’AFD, a vu le jour en 2017. À travers notamment un programme de formations courtes, il contribue à une amélioration rapide des conditions de vie des populations vulnérables libanaises et réfugiées par l’accès à l’emploi. Les formations dispensées, qui comptent autant de Libanais que de réfugiés par souci de cohésion sociale, permettent notamment à un public de jeunes adultes peu qualifiés de s’insérer professionnellement et socialement. 
 

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Ammar : « Des êtres humains avant tout »
Ammar el-Jassem a 23 ans. Originaire de Adnaniyé, un village près de Raqqa au nord de la Syrie, il est arrivé au Liban il y a trois ans et demi. « Le 23 juin 2014 », précise-t-il, se souvenant du jour où sa vie a basculé. Ammar el-Jassem est issu d’une famille de 12 enfants. Il rêvait de suivre des études de géographie. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait quand il est arrivé au Liban. Il s’est inscrit à l’université mais a très vite dû abandonner car il ne pouvait pas continuer à payer les frais de scolarité. Il s’est retrouvé concierge dans un immeuble de la localité de Aïntoura, au nord de Beyrouth.

Aujourd’hui, il suit une formation en électricité dispensée par l’IECD. C’est à travers le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) qu’il a été informé de ces cours. Les larmes montent aux yeux d’Ammar quand il parle du métier qu’il exerce actuellement. « Ma famille possède de nombreux terrains… et je suis devenu concierge. Il n’y a pas de sot métier et j’ai besoin de chaque centime pour survivre », soupire-t-il. Même si les miliciens du groupe État islamique ont quitté son village, Ammar el-Jassem n’est pas prêt à rentrer chez lui. « Je serais obligé de faire le service militaire et de rester réserviste de l’armée syrienne », explique-t-il.

Évoquant l’intégration des Syriens au Liban, il regarde sa camarade de classe Rana Elias : « Regardez-nous, Rana et moi. Nous sommes des amis, nous nous entraidons en classe, nous discutons ensemble. Nous sommes avant tout des êtres humains. » Son rêve ? Rentrer en Syrie, revoir sa famille et intégrer à nouveau l’université pour suivre des cours de géographie.
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Rana : « Je lutterai pour préserver cette amitié »
Rana Elias, une Libanaise de 22 ans, est la seule fille qui suit la formation en électricité. À l’instar de nombreux Libanais qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts et qui accumulent les formations, cette habitante de la banlieue nord de Beyrouth a voulu suivre les cours dispensés par l’IECD.

« À la base, j’ai une formation technique en décoration. Je détiens un autre diplôme technique en comptabilité. J’avais envie de poursuivre des études universitaires en architecture d’intérieur, mais je n’en ai pas les moyens, raconte la jeune femme. Je suis arrivée dans ce centre de Dekouané pour voir ce qui était disponible. Comme je suis comptable dans un magasin qui vend des luminaires et des articles électriques, j’ai opté pour cette formation. Et je sens que j’ai gagné de l’importance à l’intérieur de l’entreprise. »

Évoquant la perception libanaise des Syriens, elle critique l’attitude de nombre de ses compatriotes qui accusent les déplacés de tous les maux. « Ce n’est pas mon cas. Dans ce centre et dans le cadre de cette formation, nous sommes protégés et les amitiés entre Syriens et Libanais sont acceptées. Ce n’est malheureusement pas le cas quand nous sortons d’ici mais je lutterai contre tous pour préserver l’amitié que je partage avec Ammar. »

Fidèle à l’esprit libanais d’entreprise, Rana Elias rêve de devenir elle-même commerçante et d’avoir sa propre entreprise, que ce soit dans le domaine de la décoration ou dans l’électricité. Pour améliorer son sort, sans jamais oublier celui des réfugiés syriens dans son pays.
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Jihad : plus qu’un formateur, un mentor
Jihad el-Khatib, formateur, travaille depuis trois ans avec l’IECD. Cet ingénieur de 36 ans vit à Tripoli (Nord-Liban), où il enseigne depuis 11 ans dans des écoles techniques dispensant des formations de maintenance des climatiseurs et des réfrigérateurs. C’est ce savoir-faire qu’il transmet aussi aux jeunes Libanais ou réfugiés syriens et irakiens qui suivent les formations de l’IECD.

« Je ne leur apprends pas seulement la technique du métier, mais aussi la manière de traiter avec le client : ne pas mentir, travailler consciencieusement et être honnête », explique Jihad.

Pour beaucoup, Jihad el-Khatib n’est pas uniquement un formateur ; c’est aussi un grand frère et un ami. Il prête une oreille attentive à ses élèves, les soutient pour résoudre leurs problèmes et pour avoir confiance en eux-mêmes. Il leur organise même des excursions et des pique-niques les jours de congé.

« Cela aide à casser leur routine, car mes élèves viennent de milieux difficiles. Et cela les encourage à accepter l’autre. Il est difficile pour les réfugiés de s’intégrer et pour les Libanais d’accepter cette situation », explique le jeune homme.

« Souvent, en classe, quand j’entame une formation pour l’IECD et quand le problème de l’intégration commence à se poser, je dis aux élèves libanais qui se plaignent des réfugiés syriens embauchés au noir au Liban : « Vous aussi, si vous étiez obligés de quitter votre pays, vous seriez prêts à faire n’importe quel métier à n’importe quel prix », explique Jihad el-Khatib. Je leur dis aussi que les réfugiés rentreront inévitablement un jour dans leur pays. Et nous Libanais irons travailler chez eux pour reconstruire la Syrie car il faudra une importante main-d’œuvre. Les ouvriers libanais profiteront sans aucun doute de cela. »

Jihad el-Khatib souligne également combien « ce genre de formation n’est pas facile à dispenser. Souvent dans une même classe, à part les différentes nationalités que nous avons, nous sommes devant un groupe hétérogène sur les plans de l’âge et de l’acquis académique et professionnel. Il faut donc faire en sorte d’être accessible à tout le monde et de garder l’apprentissage intéressant. »