13
logements, du T2 au T5
11
familles devenues propriétaires
1,35
million d'euros de coût de construction
À Mayotte, de nombreuses familles vivent dans des habitats de fortune. Pour leur offrir un meilleur cadre de vie, la mairie de Chirongui, au sud de l'île, a conçu avec des partenaires publics et privés le premier immeuble collectif de l'île aux logements disponibles en accession sociale à la propriété.

Dans le sud de Mayotte, au bout d'une piste sinueuse et à quelques encablures de la mer, se dresse le premier bâtiment collectif de logements sociaux en accession à la propriété du territoire, le Mangua Bé. Pionnier sur le 101e département français où les Mahorais ont l'habitude d'être propriétaires de maisons individuelles en rez-de-chaussée, cet immeuble en hauteur abrite des familles modestes, des personnes âgées ou sans emploi, ayant bénéficié de prêts pour acheter un appartement grâce à une garantie de l’AFD.

Conçu par la mairie de Chirongui qui, appuyée par l'AFD, a pu viabiliser des parcelles de terrain, ce projet situé dans le village de Poroani a nécessité une médiation importante auprès de la population afin qu'elle s'approprie ces espaces différents de son mode de vie habituel. 

Mais les habitants du Mangua Bé, qui vivaient principalement dans des cases en tôle hors de toute réglementation et sans équipement moderne, se sont rapidement approprié les lieux. La résidence est ainsi un condensé de modernité et de tradition ; elle se vit portes et fenêtres ouvertes, en communauté. Les familles s'entraident, passent de logement en logement, discutent au frais à l'intérieur ou partagent une natte sur le bord du chemin vicinal afin de pouvoir surveiller les enfants qui jouent.

Mayotte, Chirongui, Rachidi, Lamberti
Mayotte, Chirongui, Zalihata, Lamberti
Zalihata, des vieux jours à l'abri
Au rez-de-chaussée, la porte de l'appartement de Zalihata Ali et de son mari est toujours ouverte à qui désire prendre un rafraîchissement lors d'une de ces chaudes journées mahoraises. Tout sourire, cette élégante dame d'une soixantaine d'années est fière de présenter son intérieur propret. Auparavant, elle et son époux vivaient et ont élevé leurs enfants dans un « banga » – une case en tôle – près de la mer. Très heureuse de l'avoir troqué contre un appartement moderne au sein de l'immeuble collectif Mangua Bé, cette grand-mère explique avoir pu bénéficier d'un logement suite à une enquête menée par la mairie de Chirongui pour identifier les familles aux besoins les plus urgents.

Grâce à ce repérage, Zalihata a pu bénéficier du Fonds de garantie Mayotte (FGM), géré par l'AFD. Cette garantie s'applique aux prêts alloués aux particuliers dans le cadre de l'accession à un logement social ou très social. À Chirongui, commune de résidence de Zalihata, une soixantaine de foyers ont pu être aidés grâce au FGM depuis 2014, et notamment neuf des onze familles que compte la résidence Mangua Bé – deux logements étant encore vacants.

De 2011 à 2017, ce sont plus de 220 dossiers qui ont bénéficié de cette garantie à Mayotte, pour un total de plus de 5,5 millions d'euros en montant garanti brut. Depuis 2014 et l'augmentation progressive des prestations sociales – Mayotte n'étant pas encore alignée sur le code de la sécurité sociale de droit commun –, le nombre de bénéficiaires est en hausse régulière avec environ 170 dossiers traités entre 2014 et 2017.
Mayotte, Chirongui, Boina Hamada, Lamberti
Boina Hamada, du « banga » au jardin en terrasse
Le visiteur est accueilli à l'entrée du logement de Boina Hamada Nakibou par un petit carré de terre sur cette terrasse du premier étage, où poussent citronnelle et porovi – une plante locale aux vertus médicinales. Ce micro-jardin étonnant, dans lequel les voisins peuvent se servir, est cultivé par Boina Hamada Nakibou, quadragénaire sans emploi, propriétaire depuis un an d'un appartement au sein du Mangua Bé.

« Je suis très heureux », confie-t-il en faisant visiter les trois chambres de son habitation où il réside avec sa femme et ses quatre enfants. Un véritable luxe pour cette famille qui vivait auparavant dans un « banga » de deux pièces, avec les sanitaires à l'extérieur.

Boina Hamada Nakibou a appris l'existence du projet Mangua Bé lors d'une réunion publique et a pu rencontrer le maire adjoint de la ville. Grâce au Fonds de garantie Mayotte et aux allocations logement de la caisse d'allocations familiales, ce père de famille a pu devenir propriétaire de son coquet T4. Un appartement dont il partage une partie, ce jardin qui fait les délices de ses voisins.

Entouré d'espaces verts et comportant des jardins privatifs de 2 m², le Mangua Bé a été pensé autour du bien-être de ses occupants. Le promoteur Jolland Khaldi, directeur de la société Habitat social à prix coûtant (HSPC), a expliqué vouloir préserver le confort et l'intimité des résidents tout en « faisant de la densité ». Un pari gagné puisque 13 familles peuvent être logées sur 800 m², une occupation des terrains intéressante sur ce territoire où la pression démographique est forte et le foncier précieux.
Mayotte, Chirongui, Madi, Lamberti
Madi, de la solidarité et du travail
L'histoire de l'emménagement de Madi Saidina au sein du Mangua Bé est une histoire de travail et de solidarité. Jugeant sa maison « trop petite » pour son couple et ses quatre enfants, la femme de Madi entame des démarches auprès de la mairie de Chirongui et contracte un emprunt pour acheter un bien au sein de la résidence de Poroani.

La ville embauchant en priorité en Contrat unique d'insertion (CUI) ceux de ses administrés étant dans le besoin et ayant des emprunts à rembourser, la famille de Madi Saidina a pu trouver un emploi. Le reste de l'emprunt est financé par un « chicoa », la version mahoraise de la tontine, ces associations collectives d’épargne qui réunissent des épargnants pour investir en commun dans un bien. « On ne croyait pas avoir droit à un endroit aussi spacieux, se réjouit Madi Saidina. On vit en communauté, on est tranquille pour les enfants, on est bien », s'enthousiasme-t-il.

À l'instar des autres logements sociaux de l'île, les appartements du Mangua Bé ne sont pas tous livrés clés en main puisque les habitants participent à leurs finitions. « C'est nous qui avons fait le carrelage ici », montre fièrement Madi Saidina. Le Mangua Bé est ainsi un véritable travail en cours collectif. D’autres projets de logements et d'amélioration du cadre de vie ne manquent pas dans cette commune, avec le soutien de l'AFD. Ainsi, le projet d'aménagement durable du lotissement dit « Stade de Chirongui » vise à créer une desserte importante en voiries, à assurer le développement de modes de transport doux et à favoriser la qualité de vie sociale et l'animation du quartier.
Mayotte, Chirongui, immeuble, Lamberti
Des engagements gouvernementaux pour l'habitat

En mai 2018, en réponse à un important mouvement social ayant conduit à la paralysie de l'île pendant plusieurs mois, la ministre des Outre-mer a présenté un plan de rattrapage intitulé « L'action de l'État pour votre quotidien », chiffré à 1,3 milliard d'euros et comportant 53 mesures dont 5 en faveur de l'habitat. La première de ces mesures acte la création d'une Opération d'intérêt national (OIN) « afin d'accélérer la production de logements et d'organiser de manière optimale la structuration de zones d'activité », avec la confortation des moyens de l'établissement public foncier et d'aménagement. Le deuxième engagement porte à 400 le nombre de logements sociaux à construire dès 2018, ambition notamment soutenue par l'augmentation de 50 % des crédits de la politique du logement. 

Troisième mesure : l'accompagnement de deux communes et d'une intercommunalité dans le cadre de projets de revitalisation de leur centre-ville. La quatrième mesure concerne l'accompagnement financier de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) sur les opérations de modernisation de quartiers du chef-lieu Dzaoudzi, du Nord et de Petite-Terre. Enfin, le cinquième point prévoit le renforcement des pouvoirs de police du préfet afin de lutter contre l'habitat illégal et indigne.

À Mayotte, 37 % des habitats en tôle
Dans sa grande enquête sur le logement à Mayotte publiée en 2017, l'INSEE alerte sur des conditions de logement « très éloignées des standards nationaux ».

 

Mayotte, cases, AFP
© AFP / AFD


« L'habitat mahorais est marqué par la précarité », avertit l'INSEE en préambule de son étude sur le logement à Mayotte, basée sur les dernières données disponibles de 2013. Les résultats de la grande enquête de l’institut démontrent effectivement que les conditions de logement des habitants du 101e département français « sont très éloignées des standards nationaux ».

En 2013, sur les quelque 50 000 résidences principales de Mayotte, 37 % étaient des maisons individuelles en tôle. Autre chiffre dramatique : « Plus de six logements sur dix sont dépourvus du confort sanitaire de base, c'est-à-dire qu'ils ne disposent pas d'au moins un des trois éléments suivants : eau, baignoire ou douche, WC. » Par ailleurs, 28 % des ménages n'avaient pas l'eau courante au sein de leur logement. 

Une situation comparable à celle de La Réunion il y a trente ans ou de la Guyane il y a vingt ans, note l'INSEE qui toutefois tempère : « De nets progrès ont été enregistrés en dix ans : en 2002, 75 % des ménages ne disposaient pas de l'eau courante. » A contrario, l'accès à l'électricité est généralisé, avec 94 % des foyers qui sont – légalement ou illégalement – raccordés. Cependant, dans 55 % des cas, « l'installation électrique est potentiellement dangereuse ». Autre caractéristique de l'habitat mahorais : la surpopulation des logements. À 63 %, « il manque une pièce par rapport à la composition du ménage », constate l'INSEE. 

Pour toutes ces raisons, un tiers des foyers de Mayotte se déclare « insatisfait » de ses conditions de logement, les jugeant « insuffisantes » voire « très insuffisantes », une proportion trois fois plus importante qu'à La Réunion et cinq fois plus qu'en province. Des chiffres qui légitiment l'action de l'État, des collectivités locales et de leurs partenaires en faveur de l'habitat à Mayotte.

L'enjeu du foncier
Mayotte, Epfam
© EPFAM


Installé depuis juin 2017, le nouvel Établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte (EPFAM) a pour objectif de réaliser des opérations favorisant l'aménagement, le renouvellement urbain et le développement économique et agricole de l'île. Parmi ses partenaires (collectivités, décideurs publics et privés), l'EPFAM peut compter sur le soutien de l'AFD, qui l'accompagne notamment dans la définition de sa stratégie d'acquisitions foncières.