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0,7 %, c’est la part de la richesse nationale brute (RNB) que les pays les plus riches devraient consacrer chaque année au financement de l’Aide publique au développement (APD). Fixé il y a maintenant cinquante ans, cet objectif n’aura été atteint depuis que par quelques pays... Alors que viennent tout juste de paraître les chiffres de l'APD mondiale pour 2018, retour sur la genèse d’un chiffre au coeur des mécanismes de solidarité internationale.

La nécessité de fixer un objectif clair à l’Aide publique au développement s’impose dès le début des années 1960, dans un contexte de persistance d’une pauvreté de masse. Car en dépit des théories économiques qui le prédisaient, le rattrapage économique de l’Occident par les pays pauvres ne se matérialise pas. Au contraire, en Chine, en Inde, en Afrique, les personnes vivant en deçà du seuil de pauvreté se comptent par dizaines de millions.


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Au sein des Nations unies, la fin de la décennie est marquée par d’intenses négociations portant sur la définition d’une nouvelle stratégie de développement pour les années 1970. Un chiffre en particulier soulève bien des questions : celui de la part de la richesse créée par les pays « développés » devant être transférée vers les pays « en développement ».

Un chiffre, trois origines

Le Conseil œcuménique des églises (COE) contribue alors activement à la construction d’un discours en faveur d’une répartition plus égalitaire des richesses entre pays. Sa proposition – formulée en 1958 à la communauté internationale – est de transférer 1 % du revenu des pays donateurs aux pays en développement.

« Cette prise de conscience est également alimentée par la volonté de poursuivre, via l’aide internationale, les projets de mise en valeur des territoires amorcés par plusieurs puissances européennes dans leurs anciennes colonies entre les années 1930 et 1950 » décrypte Hubert de Milly, expert sur l’aide au développement à l'AFD.

Enfin, et c’est le facteur qui jouera un rôle déterminant dans la définition de l’APD, de nombreux économistes signalent que la faiblesse de l’épargne, dans les pays en développement, ne permet pas de fournir l’investissement nécessaire à la croissance attendue, et que des transferts depuis l’extérieur sont nécessaires. D’autre part, l’irrégularité des flux de capitaux privés vers les pays en voie de développement impose progressivement au cours de la décennie la nécessité de transferts d’origine publique.

Le « gap » d’épargne

C’est ce « gap » d’épargne que décrit un économiste en particulier, Jan Tinbergen, prix Nobel d’économie en 1969. Pour que cette fameuse convergence s’observe, calcule-t-il, la croissance annuelle des pays du tiers-monde devrait être de 6 %, impliquant des investissements équivalents à 21 % des PIB locaux.

Pour compenser la faiblesse de l’épargne dans les pays en développement (le « gap » qui ne permet pas d’atteindre ce ratio de 21 %), Jan Tinbergen estime, sur la base des chiffres de 1963, qu’environ 8 milliards de dollars de l’époque devraient y être investis de l’extérieur, par les pays dits développés. Cela représentait à l’époque 0,62 % du PIB des pays de l’OCDE.

Cette idée est reprise par la commission Pearson, nommée par Robert McNamara, président de la Banque mondiale, en 1968. En 1969, le rapport de cette commission propose que l’APD soit portée à 0,7 % du PNB des donneurs d’ici à 1975, dans tous les cas avant 1980.

C’est finalement cet objectif que retient l’Assemblée générale des Nations unies qui, en 1970, adopte une résolution selon laquelle « chaque pays économiquement avancé accroîtra progressivement son aide officielle au développement des pays en voie de développement et s’efforcera particulièrement d’atteindre, au milieu de la décennie au plus tard, un montant minimum en valeur nette de 0,7 % de son produit national brut aux prix du marché ».

Plusieurs pays membres des Nations unies également membres du Comité d’assistance pour le développement (CAD) de l’OCDE – à l’exception notable des États-Unis – s’engagent à atteindre cet objectif sur un horizon de cinq ans. Parmi les principaux donneurs à l’approuver, on trouve notamment la France, l’Allemagne, la Belgique, le Canada, l’Italie, le Portugal et le Royaume-Uni.

Ils seront rejoints dans les années qui suivent par de nombreux pays dont la Suède, le Danemark, la Norvège et l’Australie.

Quelques bons élèves

Cinquante ans plus tard, et bien que cet objectif n’ait cessé d’être rappelé depuis – notamment lors de la fixation des Objectifs du millénaire par l’ONU, en 2000 – rares sont les pays membres du CAD à l’avoir atteint. Parmi les bons élèves citons la Norvège, la Suède, le Danemark et le Luxembourg qui ont régulièrement franchi le seuil des 0,7 %.

Les Pays-Bas faisaient figure de modèle en la matière jusqu'en 2012, avant de restreindre fortement le budget consacré à leur politique d'aide publique au développement. Le Royaume-Uni a lui aussi rejoint ce cercle très restreint en 2013, l’Allemagne en 2016.

Malgré les efforts conjoints de ces quelques pays, rappelle l’OCDE, la moyenne pondérée des membres du CAD n’a jamais dépassé 0,4 % du PNB.

Et la France ?

Si la France n’a pour sa part jamais atteint cet objectif, elle s’en est approchée jusqu’à atteindre un pic en 1994, (0,61 %). En 2018, selon les chiffres du Comité d'aide au développement de l'OCDE publiés aujourd'hui, elle y a consacré  0,43 % de son RNB. 

Avec un montant d'environ 10,3 milliards d’euros, elle est le cinquième contributeur mondial en valeur, après les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon.

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Le 29 août 2017, le président de la République Emmanuel Macron s’est engagé à porter l’APD à 0,55 % du revenu national brut d'ici 2022, ce qui devrait permettre de rattraper en partie le retard de la France par rapport à ses partenaires européens.

 

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