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big data illustration
La numérisation du monde entraîne une production de données de masse, ou big data, qui bouleversent l’économie. L’exploitation de ces données, parfois personnelles, interroge l’opinion publique. En finançant le projet OPAL, l’AFD veut démontrer qu’une exploitation sécurisée et éthique des données issues des entreprises privées est possible et qu’elle peut servir la cause du développement durable. En Colombie comme au Sénégal, des projets pilote tracent la voie.

Depuis quelques années, le monde vit une « révolution des données ». L’utilisation du téléphone, de réseaux sociaux, de paiements électroniques, dans nos activités personnelles et sociales crée de plus en plus de données qui sont de plus en plus précises. Celles-ci sont en majorité produites, stockées et exploitées par des entreprises privées : opérateurs télécoms, banques, plateformes web et réseaux sociaux, etc. Or, en matière notamment de santé, d'éducation, d'agriculture ou de transport par exemple, les opportunités sont considérables pour mieux diagnostiquer grâce à ces données les besoins des populations et des territoires. Le big data peut-il ainsi être exploité de manière éthique et sécurisée pour produire des informations au service de l’intérêt général et des Objectifs de développement durable (ODD) ? Ce défi, c'est l'ambition du projet OPAL (pour « Open algorithms »).

Lancé en décembre 2016, le projet est développé par un consortium de partenaires publics, privés et académiques autour du think tank Data-Pop Alliance, du MIT Media Lab, d’Orange, de l’Imperial College London et du World Economic Forum.

Le financement de l’AFD, à hauteur de 1,5 million d’euros, permet d'initier et déployer une première version de la solution ainsi que des opérations pilote en Colombie et au Sénégal, en partenariat avec les agences nationales de statistiques et deux opérateurs téléphoniques majeurs (Sonatel au Sénégal et Telefónica en Colombie). Ce financement vient donner un coup d’accélérateur à un projet déjà soutenu par la Banque mondiale et le Global partnership for sustainable development data (GPSDD). 

Le Sénégal est depuis plusieurs années un des pays phares de la sous-région en matière d’innovation et de « révolution des données », pour une plus grande efficacité et redevabilité de la décision publique. OPAL entend accompagner et amplifier ce changement, en contribuant à libérer le potentiel de son écosystème des données autour de la Sonatel et de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD).

Anta Diena, coordinatrice du projet OPAL au Sénégal
Des indicateurs clés 
opal, capture d'écran

 

Concrètement, OPAL permettra par exemple d’utiliser les statistiques d'appels téléphoniques pour établir des modèles de déplacement des populations et en estimer les besoins en transports. Le projet analysera également les statistiques régionales d'usages des mobiles pour estimer un taux de pauvreté ou d'alphabétisation. Après la phase de recherche en cours, l'objectif sera donc de produire des indicateurs socio-économiques clés plus rapidement et à plus faible coût, en se basant sur des données de partenaires privés comme les opérateurs télécom, les banques, les sociétés de distribution d'énergie, etc. De nouvelles statistiques de qualité pourront alors notamment être mises à disposition des instituts statistiques nationaux et d’autres acteurs socio-économiques.

OPAL permettrait de consolider la vision sociale de l'utilisation des données pour le bien-être social, faisant de Telefónica une société de données qui fait le pari de la durabilité de la société où elle opère. Par ailleurs, il est possible de trouver l'équilibre financier à travers la promotion d'un écosystème de données où l'entreprise offre ses services commerciaux en big data. 

Jose Santiago Gomez Medina, Telefónica (Colombie)
Un dispositif sécurisé et éthique 

Pour protéger les données personnelles, et contrôler les usages qui en sont faits, la solution construite par OPAL dispose de plusieurs caractéristiques. D’abord les serveurs OPAL sont installés dans les locaux même des partenaires privés. Ce dernier fait tourner des algorithmes ouverts qui se chargeront de traiter les données brutes pour produire des indicateurs intéressants. Ainsi, aucune donnée personnelle ne sort de l’entreprise, et les algorithmes qui les traitent peuvent être vérifiés. Parallèlement, OPAL met en place un Comité d’orientation pour le développement et l’éthique (CODE) qui comprend les parties prenantes nationales et valide les modalités d’exploitation des données. Cette solution à la fois technologique et institutionnelle permet donc de s’assurer que l’utilisation des données personnelles est sécurisée, ouverte et éthique. 

Il s’agit d’instaurer un climat de confiance pour apporter chaque fois que ce sera possible des solutions à des questions restées sans réponse, comme les meilleurs mécanismes de partage de données entre les secteurs public et privé, la garantie de confidentialité et la possibilité de publier les données pour le bien social.

Juliana Ramirez Echeverry, Ministère de la planification (DNP, Colombie)
Les pilotes au Sénégal et en Colombie

Au Sénégal, après la signature formelle des contrats avec les partenaires clés que sont l’opérateur Sonatel et l’agence statistique ANSD, plusieurs cas d’utilisation ont été choisis pour tester la première version de la plateforme. Il s'agit par exemple d'analyser les temps de trajet pour rejoindre les marchés ruraux, ou encore d'estimer les directions probables de propagation de maladies contagieuses. Ces cas font l’objet de tests pour la phase « produit minimum viable 1 » du pilote. Par ailleurs, la mise en place du Conseil pour l’orientation pour le développement et l’éthique (CODE) est en cours et des discussions sur la chaîne de valeurs des données et les modèles d’affaires ont été entamées début mai à Paris entre l’équipe projet et des représentants de la Sonatel. 

Des actions similaires sont également lancées en Colombie en partenariat avec le Ministère de la planification (DNP) et l’Agence statistique nationale (DANE). Un des cas d’utilisation s’intéresse dans ce pays aux populations vivant à proximité des anciennes zones de conflits avec les FARC. La production d’indicateurs socio-économiques sur ces dernières doit permettre de mieux définir des interventions publiques.

Vers le World Data Forum

À l’automne, l'équipe pourra tirer un premier bilan de ces deux expérimentations tant sur le plan technique, que juridique ou organisationnel, et présentera le projet lors du Forum mondial des Nations-Unies sur les données (« UN World Data Forum ») les 23 et 24 octobre à Dubaï. L’enjeu ? Faire connaître OPAL, partager les premiers résultats, et montrer comment cette solution a le potentiel pour faire bouger les lignes et mettre les données au service de tous.