• logo linkedin
  • logo email
La Turquie intègre le changement climatique dans sa politique forestière
L’AFD vient d’accorder un nouveau prêt de 150 millions d’euros au gouvernement turc pour soutenir sa politique forestière. Cette somme est assortie d’un ambitieux programme d’assistance technique qui vise à mettre en place un plan d’adaptation des forêts au changement climatique et à intégrer la biodiversité dans la politique forestière. Explications avec Zeren Erik Yasar, chargée de projets Climat et forêts à l’agence AFD d’Ankara.
Pourquoi ce nouveau financement ?

Zeren Erik Yasar : La Turquie possède l’une des plus grandes forêts d’Europe. Ses 22,3 millions d’hectares boisés contribuent non seulement à l’économie via l’exploitation du bois, l’écotourisme, etc., mais aussi à la qualité des eaux, à la lutte contre les inondations et à l’atténuation du changement climatique

Conscient de cette richesse, le pays a donc engagé en 2008 une ambitieuse politique forestière, visant à faire passer sa couverture arborée de 27 à 30 % d’ici à 2023. L’AFD a très vite soutenu ce projet : entre 2012 et 2018, elle a accordé trois prêts au Trésor turc, pour un montant total de 450 millions d’euros. 

Zeren Erik Yasar, AFD Turquie
Zeren Erik Yasar


La nouvelle convention de financement, signée le 17 avril 2019 pour deux ans, intervient dans la continuité des précédents… Au total, l’aide apportée aura contribué à reboiser ou réhabiliter près de 1,3 million d’hectares de forêts et à aménager une surface équivalente contre l’érosion des sols. Mais le partenariat va plus loin !

Qu’est-il prévu en matière d’assistance technique et de dialogue de politique publique ?

Comme elle l’a fait en complément de chacun de ses trois précédents prêts, l’AFD va coordonner et financer la mise en relation d’experts français avec ceux de la Direction générale des forêts de Turquie (Orman Genel Müdürlügü ou OGM). Mais, cette fois, cette prestation d’assistance technique, représentant un don d’environ 800 000 euros, sera élargie à de nouvelles thématiques et impliquera une gamme plus large d’organismes français. 

Outre l’Office national des forêts (ONF), qui reste le pivot de cette coopération, l’AFD compte faire appel notamment à l’Institut national pour la recherche agronomique (INRA), à la Sécurité civile et aux Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), à l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) ou encore à des coopératives forestières privées. Ces acteurs témoignent tous d’une vraie expertise française en matière de gestion forestière.

Cette coopération élargie doit accompagner les autorités turques dans l’établissement, d’ici à 2020, d’un plan national d’adaptation des forêts au changement climatique et d’une feuille de route biodiversité visant à l’intégration stratégique de ces sujets dans la politique forestière.

Pourquoi est-il important de prévoir l’adaptation des forêts au changement climatique ?

Avec le réchauffement climatique, la pression sur les forêts turques a augmenté. Celles-ci ne sont plus seulement menacées par le développement des activités humaines. Elles souffrent d’incendies plus fréquents, de longues périodes de sécheresse et d’une multiplication du nombre de ravageurs. 

Faire face à ces menaces nécessite de mieux les connaître et de réfléchir aux actions possibles pour les contrer. C’est pourquoi nous avons prévu un important volet de coopération scientifique. Des recherches génétiques seront notamment menées pour comprendre comment certaines espèces végétales parviennent à mieux s’adapter que d’autres aux conséquences du changement climatique. 

Ces travaux intéressent également la France, puisque le climat de la Turquie préfigure, en quelque sorte, ce que pourrait devenir le climat de l’Hexagone dans quelques décennies, donc les menaces auxquelles pourraient être exposées ses forêts.

« Un dialogue de politique publique qui atteint sa maturité »

Il a fallu du temps aux acteurs turcs et français pour identifier les sujets d’intérêt partagé qui vont donner lieu à des coopérations renforcées. Le prêt signé en avril ajoute aux indicateurs quantitatifs habituels, tels que les superficies reboisées ou aménagées contre l’érosion, des indicateurs plus qualitatifs sur la coopération scientifique, des études prospectives, la mise en place de projets expérimentaux et un renforcement de la communication institutionnelle. 
Ces démarches sont autant d’occasions de dialogue sur la façon de renforcer et valoriser la contribution de la forêt turque aux enjeux climatiques et, c’est une autre nouveauté, à la préservation et la valorisation d’une biodiversité exceptionnelle.
 

Serge Snrech, directeur de l’agence AFD en Turquie